/image%2F1144537%2F20151121%2Fob_4aec70_toys-950148-1920.jpg)
Noël approche, avec son ambiance joyeuse, la préparation des festivités, les enfants qui s’extasient devant les vitrines des magasins et rédigent avec impatience leur lettre au Père Noël….Cela parait si simple, si évident….Et dans beaucoup de familles, c’est le cas. Mais dans d'autres familles, pour d’autres enfants comme par exemple les enfants avec autisme, se distraire, s’occuper, jouer seul ou avec d’autres, n’est ni une évidence, ni un plaisir, bien au contraire… Quand à choisir des jouets ou des jeux qu’ils ne connaissent pas, c’est parfois juste impossible.
Ce que l’on oublie parfois, c’est que les activités de jeu sont des activités de socialisation et de communication. Ce sont des activités complexes qui mettent en jeu bon nombre de processus avec lesquels ces enfants, ces adultes, sont souvent en difficultés, comme le langage, la communication, l’ajustement social, la théorie de l’esprit, l’imagination ou encore la cohérence centrale. En effet, jouer avec l’Autre, c’est partager et construire ensemble pendant un temps et dans un espace donné, un lien, un échange où chacun donne de soi, apporte son imaginaire, sa créativité. Jouer c’est être actif être avec l’Autre, c’est comprendre comment cet Autre fonctionne. Durant les jeux, on est confronté à toutes sortes de situations parfois imprévisibles où nous devons trouver des solutions, avec les autres (dans les jeux collectifs par exemple) ou seul contre les autres. Il faut alors prendre en compte l’Autre dans toute sa globalité.
Est-ce que cela veut dire que c’est impossible pour les personnes avec autisme de jouer comme les neurotypiques ? Oh que non ! C’est juste qu’il faut comprendre ce qu’implique pour eux, le jeu. C’est les accompagner dans ce domaine comme on le fait pour d’autres, leur apprendre et les aider, pour qu’ils y accèdent dans le respect de leurs goûts et de leurs compétences. Jouer doit avant tout être un plaisir.
A quoi sert le jeu ?
Le jeu est à la fois un support pour occuper son temps, pour occuper son cerveau, pour se distraire, pour se détendre, pour utiliser son imagination, pour être en relation avec les autres, pour se faire des amis.... Mais imaginons une seconde ce que jouer peut impliquer pour une personne (enfant ou adulte) avec autisme. Si l’on prend l’exemple bien connu de la récréation, si cher aux professionnels. Est-ce réellement un moment de détente pour l’enfant avec autisme ? Ressent-il du plaisir ? Peut-il, aime-t-il échanger avec les autres dans cet endroit ? Pour comprendre ce qu'ils vivent, décrivons brièvement une récréation. La récréation est un espace parfois mal délimité, mal défini en terme de durée, de règles, un endroit bruyant où règne un chaos sensoriel, des mouvements rapides, des cris, du langage verbal, des consignes verbales destinées à ... qui ? des stimuli tactiles, des interactions sociales, de la communication, des choix à faire, de la nouveauté, de l’inconnu, de l’imprévisibilité, des codes sociaux à décrypter, des règles de jeu à comprendre, des émotions à décoder, des émotions à réguler…
Alors la récréation ? temps de jeu ou temps de stress ?
L’absence de structuration de l’espace, du temps, l’absence de consignes claires, peuvent avoir un effet très stressant pour des personnes qui ont besoin de prévisibilité, de cadre pour se sentir bien et rassurées. On commence à percevoir les enjeux de ces temps de loisirs et l’importance de les travailler, car jouer n’est pas inné. Il s’agit d’une progression qui suit le développement de l’enfant, qui va apprendre notamment par imitation auprès de ses pairs ! Pour les personnes avec autisme c’est parfois beaucoup plus complexe et l'apprentissage doit se construire différemment.
Apprendre à jouer, mais comment ?
Comme pour toutes les autres compétences, jouer peut et pour certain doit passer par un apprentissage. Qui dit apprentissage, dit évaluation préalable.
L’évaluation de certaines compétences de jeux peut se faire lors des évaluations PEP-3, AAPEP, EFI, Vineland, qui abordent ces compétences et par certains questionnaires sur les loisirs à remplir avec les parents. Bien évidemment, en dehors des épreuves formalisées, l’évaluation se fait aussi par l’observation de la personne dans les différents contextes de sa vie.
Que veut-on savoir ?
1 – On peut commencer par établir une liste des loisirs, des activités, des jouets disponibles pour la personne que ce soit chez elle, à l’école, ou dans les différents lieux qui peuvent l’accueillir.
2 – Il faut observer et noter les loisirs préférés de la personne, qu’il s’agisse d’activités sensorielles, de jouets ou de jeux…. Il est également important de noter les activités où la personne agit seule et celles où elle peut interagir ou jouer avec quelqu’un d’autre. Là encore la précision est de rigueur. Un enfant avec autisme peut par exemple jouer très bien au foot avec son frère mais pas avec d’autres enfants. Un enfant avec autisme peut partager un jeu de légos, mais refuser de jouer avec quelqu’un aux petites voitures. En effet, la difficulté de généralisation se retrouve également dans la capacité de jouer.
Que va-t-on évaluer ?
Pour ma part lors des séances sur le jeu, j’évalue deux aspects du jeu, la qualité du jeu en situation naturelle ou spontané et le niveau de socialisation dans le jeu.
1 - La qualité du jeu
Au départ est la sensorialité. Il s’agit de la première activité de loisirs du bébé. L’enfant va surtout manipuler les objets qui l’entourent, les jouets qu’on lui propose, découvrir son corps et son environnement avec ses sens.
Ensuite on voit apparaître le jeu fonctionnel, c'est-à-dire le fait d’utiliser des objets de façon adaptée, faire rouler ou lancer des balles, faire des encastrements, actionner des jeux d’éveil, c’est la période de la cause à effet. L’enfant doit apprendre que s’il fait quelque chose, il y aura une conséquence, il se passera quelque chose de plaisant en retour. C’est le début des jeux dit sociaux où l’autre joue un rôle, où il y a communication. Ce sont les chatouilles, la bébête, le cache-cache, le dada…. Il est important de comprendre que lorsque l’on aborde la socialisation dans le jeu, on doit devenir extrêmement amusant pour l’enfant. Il doit avoir envie d’interagir avec nous, cela doit être plus drôle, plus plaisant que l’activité solitaire à laquelle il s’adonne habituellement.
Vient ensuite la période des jeux fictionnels, dit de faire-semblant. L’enfant va reproduire les scènes de sa vie quotidienne, il va imiter ses parents avec les jeux de dînette, de docteur, se déguiser en chevalier, en pirate ou en super héros. C'est également la période du jeu physique, comme courir ensemble, essayer de s’attraper, où les interactions sociales sont possibles mais restent simples.
Puis, petit à petit, l’enfant va utiliser son imagination pour détourner les objets, une cuillère devient un micro, la télécommande un téléphone….l’enfant va commencer à attribuer des états physiques ou émotionnels à ses jouets. La poupée est malade, elle pleure… Ce dernier stade est le jeu symbolique où l’enfant va dépasser les scènes de sa vie quotidienne pour inventer de véritables histoires.
A ce stade, les capacités d’imagination et d’abstraction sont importantes. Il semblerait d'ailleurs que plus l’enfant a de langage, plus il aura accès à ce niveau de jeu complexe.
2 - Le niveau de socialisation dans le jeu.
L’enfant commence par le jeu isolé, il joue seul sans prêter attention à ce qui se passe à côté de lui.
Ensuite, vient le jeu à côté, l’enfant perçoit la présence des autres dans son espace de jeu, il l’accepte, mais il peut continuer de jouer à des jeux différents des voisins et il peut aussi avoir du mal à laisser l’autre prendre ses jouets.
Puis, le jeu en parallèle s’installe. L’enfant joue au même jeu que les autres personnes présentes, il laisse l’autre utiliser ses jouets, son espace de jeu, mais il joue seul, il n’y a pas d’interaction.
Finalement, arrive le jeu partagé. L’enfant joue avec l’autre, le tour de rôle s’amorce. Les jeux à règles, dits jeu de société sont possibles, les interactions sociales deviennent complexes.
Le programme d’intervention ou d’apprentissage
Une fois les compétences de l’enfant et ses goûts établis, je pose avec les parents des objectifs à long terme afin de pouvoir établir les étapes du programme d’intervention. Ces objectifs sont variés, ils dépendent de l’enfant ou de l’adulte, de ses capacités de communication, de socialisation…Il peut s’agir d’aider la personne à s’occuper seule, de l’aider à diversifier ses loisirs, que l’enfant puisse jouer avec sa fratrie, qu’il supporte les temps de récréation.... Ces objectifs à long terme vont être comme pour chaque programme décliner en objectifs à moyens et courts termes et enfin en étapes d’apprentissage. L’important est de partir de là où en est la personne, de respecter ses goûts et d’avancer progressivement.
Une fois que l’enfant ou l’adulte possède des compétences de jeu, il faut lui proposer des temps de loisirs. Ils doivent être expliqués de façon adaptée au niveau de communication de la personne. Dire « tu es en temps libre ou en récréation », peut pour certaines personnes avec autisme être incompréhensible, n’avoir aucun sens. Dans les cas d’autisme sévère avec déficience intellectuelle, il faut je pense proposer à la fois des temps de loisirs très structurés où l’on va proposer par exemple deux choix d’activités et proposer des temps de loisirs libres. On peut visualiser ces temps de loisirs sur le planning de la journée, sous forme d’objets 3D ou de photos. Cela va permettre à la personne de savoir ce qu’elle va pouvoir faire, dans quel lieu et combien de temps. Les temps libres laissent la personne s’occuper seule. Il peut par exemple s’agir d’autostimulation sensorielle. Le but du loisir est avant tout un moment de détente et de plaisir.
Pour des personnes avec autisme sans déficience intellectuelle, cette structuration peut passer par des questionnaires qui permettent de construire avec elles, ce qu’est pour elles un temps de loisirs. Grâce à des questions on peut voir avec elles comment se distraire, comment organiser ce temps. Apprendre à s’occuper c’est aussi apprendre à trouver des réponses et des solutions à de nombreux choix, comme par exemple Est-ce que j’ai beaucoup de temps ou pas ? Est-ce qu’il pleut ou pas ? Est-ce un temps où je vais être seul ou en groupe ? Comment demander qu’on joue avec moi….
J’ai découvert récemment un « programme » qui permet de travailler avec des enfants neurotypiques pour aider à améliorer les compétences sociales et de jeu des enfants avec T.S.A. ou T.E.D. créé par Karen Pierce et traduit par Olivier Bourgueil. Le P.R.T. (Pivotal Response Training ou Entrainement aux réponses pivots). Ce programme « vise à améliorer les particularités attentionnelles afin d’impacter les possibilités de réponses aux signaux sociaux. D’autres stratégies comme l’augmentation de la motivation, les démonstrations et le renforcement des comportements de jeu appropriés sont des composantes additionnelles de cette technique.. Les études montrent en effet que la mise à contribution d’enfants au développement typique, qui agissent en tant « qu’enseignants » est une stratégie de prise en charge hautement efficace. ». Si vous êtes intéressés je vous mets le lien pour pouvoir télécharger (avec l’accord des auteurs) le manuel dans son intégralité. Je n’ai pas d’expérience ou d’avis sur ce programme. Si vous en avez, je serais ravie que vous veniez les partager avec nous.
Je vous conseille également l’excellent livre, de Steven Degrieck, Temps « mort » ou temps libre ? Vous trouverez aussi un chapitre sur les loisirs, ainsi qu’un questionnaire pour vous aider à faire le point dans le « Manuel à l’intention des parents ayant un enfant présentant de l’autisme. »
Et si vous avez des questions, n’hésitez pas à me contacter. Je serais ravie de pouvoir discuter et partager nos expériences.