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Pour notre culture manger est un plaisir. Un temps de convivialité, un temps sensoriel riche en saveurs, en odeurs, en textures, un plaisir pour les yeux et un plaisir gustatif. Effectivement, pour la majorité d’entre nous, manger va bien au delà de la fonction vitale.
Seulement voilà, pour certaines personnes avec autisme, l’alimentation est loin d’être un moment plaisant. Parfois même c’est un moment difficile que certains cherchent à fuir. Différentes difficultés peuvent s’observer durant ces temps de repas. On peut voir des sélectivités ou des refus alimentaires, des refus de boire, une dysoralité alimentaire, des difficultés de mastication ou encore un refus des aliments en morceaux, des difficultés pour rester assis ou pour manger avec des couverts….
Lorsqu’on aborde le domaine de l’alimentation, il y a des notions qu’il faut avoir à l’esprit. L’une d’elle est de savoir que certaines personnes avec autisme perçoivent mal ou ne perçoivent pas du tout la sensation de faim. Cela peut entraîner des problèmes de santé comme des carences ou des prises de poids importantes.
Le deuxième aspect important est de comprendre que le repas est avant tout un temps sensoriel. La nourriture est une histoire de sensorialité où la couleur, l’odeur, la texture, le goût, la température des aliments sont au devant de la scène, notamment chez les personnes avec autisme qui présentent des particularités sensorielles. A cette dimension sensorielle, peut s’ajouter des difficultés mécaniques comme des problèmes de mastication, des problèmes de digestion, des allergies ou des intolérances alimentaires qui peuvent provoquer des douleurs…
Le troisième aspect important est l’aspect social. Le repas c’est aussi une histoire sociale, des interactions, des consignes, des règles, des conventions sociales, de la communication et du langage.
Enfin, le repas fait aussi appel à la capacité d’adaptation, manger parfois à des places différentes, utiliser des couverts différents ou encore consommer des produits dont le packaging ou la marque varie. Tout cela n’est pas toujours chose aisée lorsque l’on a un trouble du spectre autistique.
Que faire lorsqu’on repère des difficultés lors des repas. Il peut être parfois difficile de repérer ce qui pose problème. Selon moi, la première chose à faire est une surveillance médicale et des examens complémentaires. On va surveiller la courbe poids/taille ainsi que l’apparition d’éventuelles carences. Il ne faut pas hésiter à prendre conseil auprès d’un médecin nutritionniste pour connaître les réels besoins alimentaires de son enfant (en fonction de son âge, de sa taille et de son poids.). Un bilan médical permettra de déceler les allergies ou intolérances alimentaires (comme par exemple l’intolérance au lactose ou au gluten) ou les problèmes digestifs. De plus, un bilan orthophonique permettra d’objectiver des retards moteurs oraux, des troubles de déglutition ou des déformations du palais.
Ensuite, il ne faut pas hésiter à réaliser une observation fonctionnelle. On peut commencer par noter les habitudes alimentaires et comportementales de la personne lors des repas. Cette observation fonctionnelle permettra de repérer les différents contextes, les routines, les habitudes et les goûts alimentaires.
En fonction des résultats de ces observations et de ces différents bilans, on va poser des hypothèses sur ce qui pose problème à la personne et déterminer la meilleure méthode de travail à proposer pour atteindre des objectifs à long et court terme.
Pour atteindre ces objectifs, il faudra d’abord favoriser au maximum un lieu apaisant, en diminuant par exemple, les sources d’anxiété (néon, bruits environnants, mouvements des personnes…). Il est ensuite important de rendre ces temps de repas prévisibles pour la personne, en utilisant par exemple un pictogramme repas sur le planning de la journée. Si la personne n’est pas en mesure de comprendre les pictogrammes, on peut mettre une photo de la table mise ou encore une assiette en plastique pour les personnes les plus en difficultés. Rendre prévisible le moment du repas permet à la personne avec autisme de se préparer à ce moment.
D’autre part, si les compétences de la personne le permettent, on peut utiliser un scénario social pour lui expliquer, lui montrer de façon visuelle le déroulement du repas. On peut de la même façon lui montrer ce qu’on attend d’elle à table par exemple, rester assis, ou manger avec ses couverts, manger la bouche fermée…. On peut également ajouter un Time-Timer pour visualiser le temps du repas ou du goûter. C’est notamment intéressant si la difficulté réside dans le fait de rester assis tout le repas. Pour terminer, je ne peux qu’encourager l’utilisation de renforçateurs positifs pour soutenir la personne dans ses efforts.
On commence à parler de plus en plus de syndrome de dysoralité alimentaire. Je me suis donc intéressée à cette question et j’ai trouvé ce lien fort intéressant. Je vous encourage à le lire. Voici ce que Madame Senez explique :
« Il s’agit d’une hyper réactivité des organes du goût et de l’odorat. Elle va du refus de certains aliments à l’aversion alimentaire sévère. On parle de sélectivité alimentaire sévère lorsque la personne accepte moins de 20 aliments différents. L’alimentation est souvent basée sur des aliments qui ne se mâchent pas ou très peu. On remarque souvent des troubles articulatoires associés et le brossage des dents pose problème.
Chez le jeune enfant, lors de la première année au début de la diversification alimentaire, on note un manque d’appétit, le refus des aliments nouveaux, des nausées, des vomissements ainsi que des problèmes de comportements lors des repas.
Certains facteurs vont aggraver cette dysoralité alimentaire. Il s’agit des allergies ou intolérances alimentaires qui sont douloureuses, le reflux gastro-oesophagien, des diarrhées ou des constipations.
Les massages intra buccaux sont les traitements les plus appropriés pour la traiter. Il s’agit de massages qui consistent à frotter les gencives, le palais et la langue, plusieurs fois par jour pendant quelques secondes. Bien sur il est important de se faire conseiller et d’apprendre les bons gestes auprès des orthophonistes formées à ces méthodes. Ces massages permettent une habituation et entraîne une diminution de la réactivité défensive aux touchers buccaux. »
Voilà j’espère vous avoir donné quelques pistes de réflexion. N’hésitez pas à me poser vos questions.
Pour plus d’informations :
Catherine Senez, orthophoniste spécialisée dans les troubles alimentaires
"Accompagner un enfant autiste". N. Poirier et C. Kozminski